jeudi 22 mai 2014

Le dilemme du rickshaw

En 2004, lors de notre passage à Calcutta, rebaptisé Kolkata depuis 2001, nous posons nos sacs à dos à la "Salvation Army Guest House", Auberge de l'Armée du Salut.

Tous les matins, à chacune de nos sorties de la Guest House, le même rickshaw wallah nous propose de nous emmener. Tous les jours pendant 3 semaines !

Rickshaw
Que faire ? Que lui dire ?
Cet homme, dont on ne saurait donner d'âge tellement la vie a durci ses traits, nous pose un vrai dilemme.

Devons-nous lui imposer nos 3 personnes à tirer dans le chaos et la pollution de la ville pour quelques roupies ? Devons-nous l'envoyer dans cette pagaille invraisemblable entre les bus crachant leur épaisse fumée noire, les taxis pilotés à toute allure et sans vergogne et les vaches sacrées mollement étalées au milieu de la rue ? 

Circulation dans Calcutta
Calcutta restait à cette époque le dernier bastion où subsistent les rickshaws, interdits partout ailleurs. Bien que métier reconnu inhumain, de nombreuses Indiens ont recours à leurs services car cela reste la course au meilleur prix. Et en période de crue, les rickshaw sont également les seuls à pouvoir circuler en ville en gardant le passager à l'abri et au dessus du niveau d'eau !!


Taxis

Métier inhumain oui, mais quelle reconversion ? C'est ce qu'attendent de savoir les syndicats qui les défendent. La plupart du temps, les rickshaws envoient la moitié de leur salaire à leur famille restée dans les campagnes et un quart du salaire sert à payer la location de la carriole.

Que faire d'autre ? Comment nourrir sa famille quand on n'a que cela ?

Rickshaws de marchandise

Longtemps ces questions nous ont rongées. Finalement nous n'avons jamais accepté de monter à bord. Avons-nous bien fait ?

Mais qu'est-il devenu aujourd'hui ? Le Gouvernement l'a-t-il aidé à trouver un autre travail ? S'est-il retrouvé à la rue à devoir gagner sa vie avec d'autres besognes encore plus dégradantes ? 

Tri des déchets dans la rue
Nous ne le saurons jamais et le dilemme reste sans réponse pour moi aujourd'hui !


mercredi 7 mai 2014

Sacrifice de poulets

Je ne suis pas superstitieux.
Je ne lis mon horoscope que lorsque je joue au Loto, et je ne connais même pas le signe lunaire des magazines de plage... et pourtant...

Et pourtant, je me suis laissé complètement embarquer par un marabout burkinabé qui m'emmena faire un sacrifice de poulets à la mare aux poissons sacrés de Dafra !!
Objets du sacrifice

Remettons nous dans le contexte : novembre 2003, Bobo Diolasso, Burkina Faso.

Guen et Nico arrivent du pays Dogon, endroit où le calme n'est pas encore complètement revenu mais où la population souffle et se tourne vers l'avenir. Pour ma part, j'ai du rester à Bamako quelques jours supplémentaires pour refaire mon passeport volé lors d'un concert-émeute de Tiken Jah Fakoly. Je les ai donc rejoins par mes propres moyens à Bobo. A l'époque, pas de téléphone portable, pas de smartphones... la prise de rendez vous se devait d'être impeccable !!

Après 2 jours à vadrouiller dans Bobo, nous croisons la route d'un "marabout" au marché qui nous propose un rite animiste : aller jusqu'à la mare des poissons sacrés de Dafra et faire des demandes aux dieux en sacrifiant des poulets . Est ce notre côté dévot ou notre curiosité insatiable qui répondra Oui ?...

Nous voila donc à la recherche de beaux poulets bien gras pour satisfaire les dieux.

choix des poulets

Puis, nous prenons la route vers la mare sacré. Les poulets, vivants bien sûr mais attachés par les pattes, pendent sur les guidons de nos mobylettes.

Route vers la mare sacrée

La route est chaotique, mais nous arrivons enfin dans cet îlot verdoyant. Nous découvrons cette mare où nagent des dizaines de silures, énormes poissons chats assez repoussants mais sacrés !

Silure sacré !

Le lieu de culte est recouvert d'un tapis épais de plumes de poulets. Notre marabout se met en conditions : il enlève tee shirt et tongs !

Notre marabout en tenue pour le rituel

Le rituel animiste peut commencer. Le marabout murmure quelques phrases incompréhensibles, se tourne vers les cieux en offrant le 1er poulet. Il nous propose de poser notre main sur le poulet peu rassuré pour faire notre demande aux dieux. Une fois notre vœux fait, le marabout tranche la tête du poulet dans une incantation plus forte, déverse le sang sur un monticule de plumes déjà là et y rajoute les siennes. Puis il coupe les pattes et les jette dans la mare. Les silures semblent affamés. Vivement la période des examens du bac pour que les sacrifices augmentent et que la nourriture abonde !

Le rituel se répète ainsi pour les autres poulets.

Puis le marabout entame le dépiautage complet des poulets. Je me disais que préparer aussi bien des poulets (les vider, les plumer...) pour les filer à manger à ces énormes poissons chats était un peu too much !! Mais seuls les extrémités (têtes et pattes) et l'intérieur des poulets ne sont donnés aux poissons carnivores !
Le poulet lui même servira fort heureusement à nourrir une famille! C'est peut être ça finalement la vraie morale de cette histoire : nous sommes ravis de notre expédition et une famille a gagné un poulet !


Deal !
Fiers de notre choix pour le sacrifice
Tapis de plumes